Témoignage de Fédéric L. sur sa formation

Semaine de formation au pilotage du Swift light à Aspres sur Buëch du 17 au 22 août 2020

Préambule

Ce fut une période intense et fantastique, tant par le dépaysement, la découverte aérienne d’une superbe région (après une absence d’une vingtaine d’années), que par la découverte d’un superbe planeur (toujours dans la classe vol libre) et de toute la dynamique humaine associée, ouvrant des perspectives extraordinaires.

La formation a lieu sur l’aérodrome d’Aspres, au starter de la piste orientée sud qui est légèrement descendante dans ce sens.

La formation se décompose en deux parties : l’initiation et les grands vols. L’initiation permet aux élèves d’apprendre à gérer le dosage des commandes afin de maintenir un axe de vol donné (celui de la piste) pour la phase finale qui est aussi cruciale, en l’occurrence l’atterrissage. Le décollage est réalisé par catapultage (comme pour les premiers planeurs en bois et toile dans les années 30), qui envoie le Swift et son pilote à une dizaine de mètres au-dessus du sol. La catapulte est constituée par un ensemble de sandows disposés en « V » de part et d’autre du point de départ. La procédure de décollage, détaillée sur le site de l’ADPUL, est précise et rigoureuse. Chacun a son rôle et doit s’y tenir scrupuleusement. Quand les gestes à accomplir sont rodés, on peut ainsi réaliser jusqu’à six catapultages à l’heure avec un risque d’accident simplement nul.

Afin que les élèves puissent bien ressentir les réactions des commandes sans aucune perturbation extérieure, il est nécessaire de bénéficier des conditions les plus calmes possibles. Donc l’activité démarre le matin tôt. En général, tout le monde doit être en piste à 8 heures (deux fois, le RdV a été fixé à 7h30). Dur dur, les vacances !

L’initiation comprend une dizaine de vols en catapulte et dure généralement les deux premiers jours. La tension des sandows est adaptée au poids et à la progression de l’élève (au maximum, on encaisse une accélération de 2 G, au maximum). Quand la turbulence, générée par les premiers thermiques de la journée, devient trop sensible, on arrête les opérations. Cela arrive en général vers midi, voire 13 heures, quand les premiers planeurs stationnés sur le côté de la piste se font remorquer. L’après-midi n’est pas nécessairement synonyme de quartiers libres, car des activités telles que des répétitions de procédures pour les remorquages à l’occasion des grands vols, ou encore le montage et le démontage du Swift (l’autonomie étant aussi l’un des objectifs), font partie du programme.

Ensuite viennent les grands vols. Ah, enfin ! Décollage en remorqué à l’aide d’un ULM pendulaire, tenu à la disposition de l’ADPUL pour la formation, et spécialement venu du sud-ouest dans ce but (les coûts sont globalement plus bas que si un remorqueur ULM 3 axes local est sollicité). Premier vol le matin en air calme, où l’élève, remorqué à 1300 m au-dessus du terrain, effectue des exercices guidés en radio par l’instructeur, dont deux décrochages, après une courte prise en main du Swift. Le vol se termine par une PTL (prise de terrain en L), aussi guidée par l’instructeur. Le second vol, réalisé l’après-midi, est laissé à la libre inspiration de l’élève qui a tout le loisir d’enrouler les thermiques à sa guise pour commencer vraiment à prendre le planeur en main, toujours en gardant le contact radio avec l’instructeur.

Suivent les tours de pistes (remorquages jusqu’à une hauteur de 250 m), où l’élève travaille différentes approches de difficulté croissante (PTL, PTU, PTS), et une approche à forte pente où on se présente à 200 m sol en entrée de piste, ce qui est énorme, avec un arrêt finalement à mi piste (grâce aux deux sortes d’aérofreins dont le Swift est avantageusement équipé). Ces approches permettent de travailler la précision du pilotage, notamment en cas de « vache » en dehors de l’aérodrome. Fini de rigoler, il faut s’appliquer, être concentré, bien suivre les consignes pour qu’à chaque étape, si elle est correctement franchie, l’instructeur autorise de passer à l’étape suivante, ou de recommencer si l’élève a été nul !

La phase des grands vols s’étend sur trois ou quatre jours, voire plus, selon la progression des élèves ou les aléas de la météo. A la fin, quand l’élève a effectué tous les exercices avec succès, quand tous les voyants sont au vert, l’élève est apte à recevoir son brevet de pilote PUL multiaxes (la procédure passe par les arcanes de la FFVL). Voilà pour le déroulement théorique du séjour.

Lundi 17 août

Dans la pratique, le lundi 17 août au petit matin, j’ai d’abord eu le plaisir de saluer Jacques Bott, grand organisateur de cette formation et instructeur de cette école de PUL en cours d’accréditation par la FFVL, et aussi le plaisir de retrouver Pascal Lanser, que j’avais rencontré dans son fief en Lorraine le 11 juillet 2020 pour des vols mémorables dans des conditions qui étaient excellentes, également instructeur fraîchement promu dans l’école. Il faut dire que ces deux personnages sont une grande pointure dans le monde du vol libre, tant leur parcours et leur palmarès sont impressionnants. Jacques est un ancien pilote de ligne à la retraite, et après une première expérience vélivole il y a quelques dizaines d’années, il s’oriente vers le vol en delta, en parallèle avec ses vols internationaux. De fil en aiguille, il s’intéresse à la compétition, abandonne les ailes souples au profit des ailes rigides et devient l’un des champions de vol libre en delta en vogue pendant de nombreuses années. A la suite d’un atterrissage scabreux à l’occasion d’une coupe Icare il y a une dizaine d’années, où sa tête a été légèrement blessée, accident susceptible de remettre en cause son aptitude médicale, il s’est dit « plus jamais ça ! », et s’est mis à chercher le moyen de voler assis et les pieds devant, comme font les planeurs et les parapentes, au lieu de voler la tête devant et sur le ventre, toujours dans un appareil rigide entrant dans le cadre du vol libre. C’est ainsi qu’il a découvert le Swift light, propulsé initialement avec un moteur thermique, mais qui offrait une finesse max si mauvaise qu’il s’en est vite débarrassé pour voler simplement dans la version vol libre, quitte à investir dans un ULM remorqueur avec le pilote ad hoc. Il a trouvé que voler en Swift light est tellement génial, notamment en montagne, qu’il a déployé toute son énergie, et continue toujours de le faire, pour étendre la pratique du vol libre dans cet appareil au plus grand nombre de pilotes, à commencer par sa traditionnelle équipe française de compétiteurs en Atos VR, qui ont tous été convertis (sauf un), et auxquels sont venus s’ajouter un certain nombre de pilotes européens dont certains sont reconnus mondialement.

A mes yeux, son expérience aéronautique est immense, et les pilotes de vol libre, notamment ceux qui découvrent le vol en montagne, ont tout à gagner à en profiter et à suivre scrupuleusement ses précieux conseils. Pascal est également à la retraite, et il possède lui aussi une énorme expérience aéronautique, cumulant des années de compétition et de championnats en delta souple puis en rigide, puis en Swift light, ainsi que d’enseignement en ULM pendulaire et trois axes. Nos causeries n’ont pas précisé s’il a également tâté du manche d’un planeur ou d’un avion, mais cette éventualité me semble fort plausible. Apparemment, il a été bercé dans un avion durant les premiers mois de sa vie, à moins qu’il ne fût tombé dans la marmite de la potion magique en pilotage aéronautique quand il était petit, car il possède un sens inné de tout ce qui vole, à tel point que lors de son installation les yeux fermés dans un Swift motorisé électrique, sans recevoir aucune explication ni aucune aide, il avait déjà compris comment vole ce genre d’appareil. Il a terminé sa carrière professionnelle en tant que directeur de IBM au Luxembourg (si j’ai bien compris), et il ne ménage pas ses efforts pour contribuer à développer le vol libre en Swift et pour rattacher la pratique de ce PUL muni d’une propulsion auxiliaire électrique à la FFVL …, ce qui offrirait aux pilotes bien des avantages, dont celui, non négligeable et très symbolique, de l’autorisation d’absence d’un numéro d’identification. Très admiratif devant ces deux hommes, cela a été un honneur pour moi de passer une semaine avec eux, de profiter de leur enseignement, de leurs conseils, de leur expérience, tout en apprenant à voler dans un drôle planeur qui s’est révélé formidable.

Nous étions quatre élèves : Georges, un retraité habitant près de Gap qui a déjà effectué en juillet dernier une formation initiale en Swift. René-Pierre, qui n’avait pas terminé sa formation en Swift l’an passé. Je n’ai pas su quel est son métier, des échos m’ont soufflé qu’il aurait passé un doctorat en médecine, mais qu’il n’a jamais exercé sa profession (c’est curieux). En tout cas, il a exprimé à merveille une qualité qui le démarquait du groupe : celle de bavarder à tout va d’une façon incessante, ce qui n’a pas manqué de créer une certaine gêne lorsqu’il s’agissait d’écouter les consignes ou juste de se concentrer avant de décoller… Alain, qui a été instructeur en delta dans les années 70, et qui est devenu photographe et réalisateur de films sur des sujets en rapport actuellement avec la nature dans des conditions extrêmes, telles que les tempêtes en Bretagne, ou avec le vol libre pour la promotion de l’ADPUL. Sa particularité : avoir négocié sa formation en Swift en échange d’un reportage photo et vidéo sur les activités aéronautiques de l’ADPUL, notamment durant cette semaine de formation. Donc tout le monde était potentiellement sous les feux de la rampe, attention ! Le quatrième larron, c’était moi, qui n’y connaissait rien au Swift et qui est venu à cette formation un peu par hasard, par curiosité après avoir admiré, au sol comme au décollage, deux de ces appareils motorisés électriques sur le terrain de Serrouville le fameux 11 juillet 2020, et après avoir eu une conversation fort sympathique avec Pascal sur nos vols de cette journée. Il me restait une impression très favorable sur les capacités de ce planeur ultra léger, que ce soit en terme de performances ou en terme d’autonomie. Car dans mon for intérieur, trottinait toujours l’idée de pouvoir voler d’une façon autonome, sans dépendre de la disponibilité d’un pilote remorqueur ou de la bonne orientation du vent ou de sa force sur un site naturel de vol libre. En revanche, j’étais beaucoup moins emballé par le prix de l’appareil avec sa remorque, qui me semblait tout simplement exorbitant. Mais j’avais les moyens de me payer un stage de formation au pilotage du Swift light, et j’avais également à mon actif tous les prérequis nécessaires, alors pourquoi pas, ainsi j’aurais vécu une première petite expérience dans ce planeur. J’étais enchanté de me lancer dans cette nouvelle aventure de vol libre, d’autant plus que ce serait aussi une manière sécurisée et encadrée de renouer avec le vol en montagne, que je n’avais pas pratiqué depuis fort longtemps et dont une certaine appréhension avait fini par germer dans ma petite tête.

En ce lundi matin de bonne heure, Jacques, assisté de Pascal, nous montrait comment monter un Swift, comment installer la catapulte, et nous expliquait les consignes de fonctionnement d’une façon rigoureuse et claire. Tout ce qu’on avait à faire, c’était de les suivre scrupuleusement, sachant que toute question donnait toujours lieu à une réponse précise et circonstanciée. Assez rapidement, chacun a trouvé son poste qui lui convenait le mieux entre la conduite du véhicule (de l’instructeur) pour tendre les sandows, le contrôle à l’arrière du véhicule du bon placement des cordes, la récupération des sandows après un catapultage, la récupération du planeur au milieu de la piste avec la voiture d’un élève, l’aide au positionnement du Swift sur le starter de la catapulte. Mesures sanitaires obligent, Jacques nous avait demandé de porter le masque et de se laver les mains au gel hydro-alcoolique chaque fois que quelqu’un montait dans son véhicule ou s’installait dans le Swift…

Le travail d’équipe sur l’aérodrome était à mes yeux très sympathique et je m’y suis investi pleinement. L’ambiance qui régnait m’a rappelé avec grand plaisir, et aussi une pointe de nostalgie, mon tout premier stage de vol à voile quand j’avais 16 ans… Certes, l’activité d’aujourd’hui ne durerait pas cinq semaines mais cinq ou six demi-journées, et il n’y avait pas non plus de queue de Bijave à porter (ce planeur école était loin d’être un PUL, ceux et celles qui ont échoué dedans n’en ont que de trop douloureux souvenirs !). Les débriefings des vols de chacun se faisaient à chaud juste après l’atterro ou après la récupération du planeur, et les briefings du vol suivant juste avant le décollage. C’était une façon d’optimiser l’activité, sachant qu’il ne fallait pas traîner inutilement pour permettre aux élèves de voler plusieurs fois dans la matinée avant l’apparition des premières instabilités dans les basses couches de l’atmosphère.

Un autre détail qui m’a paru important de garder en conscience était que les deux Swift mis à la disposition des élèves pour la formation, appartiennent à Jacques et à Pascal. L’ADPUL ne possède rien, elle offre juste un cadre juridique pour exercer cette activité particulière. Donc il fallait d’autant plus prendre soin du matériel qui était loué à ADPUL par nos instructeurs, qui mettent leur bien en jeu à chaque vol dans le seul but très honorable de développer le vol libre en Swift, et qui parfois ont traversé quelques inquiétudes, outre pour la vie du pilote, lorsque les réactions d’un élève étaient fantaisistes ou incontrôlées, voire dangereuses. On peut comprendre alors les prérequis demandés pour cette formation, car les instructeurs ne peuvent pas se permettre de rappeler les bases du pilotage aéronautique à un élève, tant en raison de la durée de la formation qui est courte, qu’en raison de la nécessité impérative de prendre soin du matériel, donc de posséder déjà une expérience minimale dans la discipline.

Avec le développement des brises de vallée dès la fin de la matinée, les vols en Swift ont été arrêtés. Autre rencontre sympathique dans l’après-midi après le briefing de Georges pour son lâché à venir, Patrick Chopard, descendu de son Jura pour voler à Aspres (et aussi pour passer des vacances avec son épouse), est venu nous dire bonjour en attendant la belle journée de vol prévue pour le milieu de la semaine. Autre pilote bien connu dans le monde du vol libre pour ses titres de vainqueur de nombreuses compétitions, en souple puis en rigide, en France et en Navarre, ainsi que pour ses classements forts honorables à la CFD et ses vols records en France et en Namibie, on peut dire lui aussi est une grande pointure. Mais comme il s’est peu à peu retrouvé quasiment tout seul à voler en compétition sous un Atos VR, ses copains ayant basculé sur le Swift, il a décidé de leur emboîter le pas. Fin 2017, il a vendu son aile pour acheter un Swift light d’occasion, qu’il a fait équiper d’une motorisation auxiliaire électrique (par David Chaumet, qui vit au Portugal). Fin bricoleur, il s’est également confectionné une remorque sur mesures pour transporter son appareil. Après une bonne année de latence, et quelques heures de formation en vol à voile avant de suivre la formation au pilotage du Swift, il a pu enfin s’élancer à nouveau dans les airs, et ceci d’une façon complètement autonome…

Photos du jour : https://photos.app.goo.gl/QrSjQtkcPT2Q6Fb4A

Mardi 18 août

Au cours du montage du Swift à nouveau de bonne heure le mardi matin, Pascal m’a révélé que mon vol du 11 juillet en Lorraine a été le record de distance du site de Serrouville, que plusieurs deltistes ont cherché à réaliser depuis longtemps, apparemment sans succès. Et moi, je débarque en Lorraine un beau matin d’été, je ne connais absolument pas le pays (magnifique à survoler), et le soir j’affiche un triangle FAI de 202 km, non bouclé mais dans la tolérance des 5 %. Cela dit, les conditions météo étaient exceptionnelles, et il fallait juste un peu d’endurance pour en profiter au maximum. J’ai eu l’impression que la remarque de Pascal était teintée d’une pointe d’admiration, et venant de lui, je l’ai reçue comme un joli compliment inattendu.

Deuxième jour de formation, l’équipe était rodée, les vols en catapulte s’enchaînaient. En dépit de la bonne ambiance qui régnait parmi nous, il m’est arrivé plusieurs fois de crier très fort « silence », quand j’étais installé dans le Swift près à décoller, donc avec un grand besoin de me concentrer sur ce qui allait se passer dès le catapultage, histoire de couper temporairement le sifflet à ce diablotin de René-Pierre qui n’en finissait pas de bavarder juste derrière, notamment avec Alain qu’il avait réussi à entraîner dans son sillage.

Resto du midi à Veynes avec Jacques et Louis Mesnier, qui venait d’arriver du sud-ouest avec l’ULM remorqueur…

Photos du jour : https://photos.app.goo.gl/zZQXdedm5cEqVzpg7

Mercredi 19 août

C’était le grand jour, le jour de mon premier vol en Swift. Et aussi celui du lâcher de Georges. C’était aussi un grand jour pour Pascal, Patrick, et les vélivoles en général, car la journée était prévue excellente pour réaliser des vols de distance en montagne. Alain, qui a eu apparemment quelques difficultés pour tenir l’axe de l’atterrissage… devra poursuivre les catapultages dès que cela sera à nouveau possible (car en phase de grand vol, les objectifs de la matinée ne sont plus compatibles avec l’activité de catapultage)…

Un briefing particulier pour la phase de décollage et la phase du vol en remorqué nous a été délivré par Jacques les deux jours précédents. Au décollage, l’action sur les volets est plus importante que celle sur le manche en tangage. Le Swift étant très sensible en tangage, il vaut mieux éviter de se mettre à marsouiner près du sol. Donc pas ou très peu d’action sur le manche. En fait, avec 15° de volet, le Swift décolle tout seul, sur une courte distance et avant l’ULM. Une fois en l’air, pour éviter de partir en cerf-volant derrière l’ULM, il faut réduire assez rapidement l’angle des volets, de façon à se placer dans la trajectoire du l’ULM. Et quand, après sa phase d’accélération en vol plus ou moins horizontal, l’ULM vient à prendre rapidement de la hauteur, on doit tirer franchement sur le manche, pour rester dans la bonne position relative par rapport à l’ULM, en prenant soin de ne pas se laisser descendre trop bas pour éviter de se retrouver dans le sillage de l’hélice, ni de monter trop haut. Vu du Swift, la consigne était de placer le nez de l’aile de l’ULM entre la base et le sommet du mât. Quant au largage à 1300 m au‑dessus du terrain, la mise en virage pour quitter la trajectoire derrière l’ULM devait être suffisamment franche pour que le pilote n’ait aucun doute en regardant dans son rétroviseur.

Alain n’ayant pas revolé en Swift catapulté au cours de la semaine, il a quand même continué à travailler pour réaliser son reportage, qui était convenu dans son arrangement avec l’ADPUL. Notamment, il a loué deux heures de vol en avion pour voler au-dessus de la région autour d’Aspres et réaliser des prises de vues magnifiques. Son montage final est présenté dans la vidéo dont l’adresse est : https://youtu.be/FLeUvvuZvus

En cette nouvelle matinée ensoleillée, les deux Swift, celui de Jacques et celui de Pascal en version vol libre (il dispose d’un autre fuselage avec la propulsion électrique), ont été montés et alignés sur la piste prêts au décollage en remorqué. Dans un décor de fond de montagne et dans la belle lumière de la matinée, ils étaient beaux à voir ! Le Swift de Pascal étant légèrement différent de celui de Jacques, et aussi plus joli avec ses dessins originaux sur les dérives, je l’ai choisi pour effectuer mon premier vol. Georges a décollé en premier dans le Swift de Jacques. Il a volé une trentaine de minutes en suivant par radio les instructions de Jacques, et il était enchanté après son atterrissage, comme c’est le cas pour tous les élèves.

Après Georges, ce fut mon tour. De la théorie à la pratique, il y a souvent un écart, surtout si c’est la première fois. Mais étant bien concentré sur ce que j’avais à faire, j’ai réussi à ne pas trop marsouiner après la réduction des volets, et ajuster ma trajectoire pour maintenir le nez de l’aile de l’ULM entre la base et le sommet du mât ne m’a posé aucun problème. Une fois largué, je disposais de quelques minutes pour prendre en main le planeur avant de commencer les exercices, et il s’est produit un phénomène curieux : quasiment immédiatement, j’ai retrouvé toutes mes sensations et tous mes réflexes de vélivole d’il y a bien longtemps, c’était étonnant et formidable, je me sentais à l’aise dans le Swift comme un poisson dans l’eau ! Pour tester les réactions du planeur, pour voir un peu ce « qu’il a dans le ventre », je me suis mis à enchaîner les virages à grande inclinaison, en alternant brutalement le sens des virages, et j’ai été surpris de la réactivité du planeur et de sa capacité à basculer rapidement d’un côté à l’autre. En Atos VR, cette action prend quand même plus de temps. La raison de ces manœuvres, outre que c’était rigolo, était de me placer dans les conditions d’un thermique puissant où il faut virer serré pour monter vite et sans se faire éjecter, parfois en changeant rapidement le sens de la spirale pour retrouver le noyau de la pompe. Notamment, dans la partie avant du fuselage du Swift, il y a deux tubes placés en V inversé, inclinés autour de 70° par rapport à la « verticale » du planeur, et je m’exerçais à virer suffisamment serré pour les placer alternativement sur la ligne d’horizon… Au bout d’un moment, Pascal à la radio m’a suggéré de me calmer, et que nous pouvions commencer les exercices, ce que j’ai exécuté immédiatement. Quand nous sommes arrivés aux décrochages, j’ai pu constater qu’en amenant lentement le planeur aux grands angles, manche tiré à fond, le planeur s’enfonce mais ne décroche pas. En revanche, en prenant un peu de vitesse avant d’effectuer une abattée, manche tiré à fond, j’ai été surpris de me retrouver brutalement à la verticale, les pieds en bas et la tête en haut, en rendant vite la main pour retrouver un domaine de vol plus orthodoxe. Fin du vol radio guidée pour me permettre de prendre mes repères aux abords du terrain au cours d’une approche en PTL. Ce premier vol m’a enchanté, et je n’ai désiré qu’une chose : retourner voler en Swift dès que possible !

Mon vœu allait être exhaussé dès l’après-midi, je ne pouvais espérer mieux. Georges et René-Pierre étant plus anciens que moi dans leur formation, en principe, la priorité leur revenait pour réaliser leur vol de découverte d’une heure ou deux. Mais Georges devait garder ses petits-enfants ce mercredi après-midi et il n’était donc pas disponible. Quant à René-Pierre, une mauvaise digestion d’une pizza un peu trop chargée la veille au soir le laissait encore barbouillé, et il préférait passer son tour. Il y a eu des moments où je me suis interrogé sur la motivation de mes collègues… Pour ma part, je suis venu pour voler, cela se passait maintenant, les conditions étaient bonnes, alors il fallait en profiter maintenant, et le reste passait après ! Lorsque Jacques est venu me proposer de me préparer pour décoller à midi tandis que j’aidais Pascal à remplacer le fuselage de son Swift de vol libre par celui motorisé électrique, j’étais un peu étonné mais j’ai répondu « oui » sans hésiter, ravi de cette belle opportunité. Les conditions météo étaient annoncées excellentes, avec des cumulus partout et des plafonds à 3000 m, et plusieurs pilotes de Swift ou d’Archeopterix motorisés électriques, dont Pascal et Patrick, plus un certain nombre de vélivoles en plus des locaux, étaient venus à Aspres pour saisir l’occasion de voler loin et longtemps au-dessus des montagnes. L’effervescence des préparations était bien sympathique à voir, et à vivre !

Démarrage des opérations peu avant midi. Le ciel était encore bleu, mais un parapente biplace, qui s’était élancé au-dessus de la montagne de Longeanne juste au nord du terrain, maintenait son altitude en faisant des allers-retours le long de la crête. C’était le signal qu’on attendait, et j’ai ouvert le bal, remorqué par Louis. Je servais naturellement de fusible pour tout le monde, et j’avais grand intérêt à me débrouiller pour rester en l’air et ne pas me reposer dans la demi-heure qui suivait ! Peu avant de décoller, Jacques m’avait dit que je pouvais garder le Swift le temps que je voulais, il n’y avait pas de contrainte. La voie était donc libre pour voler tout l’après-midi, et c’est ce que j’ai fait, avec grand enthousiasme, c’était juste extraordinaire. Pour l’heure, j’enchaînais les allers-retours au-dessus de la crête sur toute son étendue, profitant des performances du planeur pour aller chercher un thermique là où le parapente ne pouvait s’aventurer. Sur l’aire officielle de vol libre de la montagne, quelques deltistes attendaient le bon moment pour décoller… C’est quand même bien pratique de pouvoir décoller en remorqué, sans devoir attendre ailleurs l’arrivée d’une bouffe de face suffisante pour le faire à pied en delta.

Les cumulus se mettaient en place dans un large secteur sud autour de Aspres, mais rien à Longeanne.

Vu de l’aérodrome, ce ballet dérisoire n’est pas passé inaperçu et les deux pilotes de Swift, chasseurs de grandes distances en vol libre et présents ce jour, Pascal et Patrick, qui ont décollé vers 13 heures, ont décidé de se diriger non pas à Longeanne, mais plus à l’ouest, vers la montagne du Bois des Fanges, où ils ont enroulé un thermique puissant après avoir éteint leur moteur électrique. Et voilà qu’ils annonçaient à la radio qu’ils étaient déjà à 2500 m d’altitude et qu’ils mettaient le cap au sud-ouest vers le Mont Ventoux !! Pendant ce temps, j’étais toujours en train de grenouiller au-dessus de Longeanne, en attendant désespérément de trouver un thermique un peu plus puissant que les autres et qui aurait daigné me rehausser au moins jusqu’à 2400 m QNH, altitude minimale requise pour pouvoir franchir la vallée en sécurité.

Nous n’étions finalement toujours que deux ou trois à nous partager l’espace au-dessus de Longeanne : le parapente biplace (peut-être avec un autre passager) plus un autre parapente et moi-même. Ce qui n’empêcha nullement le biplaceur de considérer que tout l’espace était à lui et de ne pas dévier d’un pouce sa trajectoire, alors que je venais d’enrouler un thermique devant lui, que nous nous étions retrouvés face à face et que chacun devait, pour respecter les règles de la circulation aérienne, effectuer une manœuvre d’évitement par la droite… Que nenni, ce couillon a continué tout droit, m’obligeant à agrandir brutalement mon virage en cours pour éviter une collision… Je l’aurais incendié, ce pilote insolent… En plus j’avais donc perdu la pompe, tandis que lui spiralait dedans… Mais je suis revenu à la charge, en virant aussi serré que lui (le Swift, c’est génial !), quitte à l’intimider un peu en le doublant par l’intérieur du virage, et non seulement je montais mieux que lui, mais c’est lui qui a fini par se tirer…

Une heure et demi après mon décollage, enfin, ma trajectoire a croisé un thermique suffisamment puissant pour me propulser jusque vers 2600 m QNH. J’aurais bien tracé la route vers le sud-ouest pour tenter de rejoindre nos deux compères qui avaient tout de même une demi-heure d’avance… Mais il était totalement hors de question de n’en faire qu’à ma tête ! Car, d’une part, durant mes premières années vélivoles d’antan, ce genre d’attitude m’avait valu un certain nombre d’interdictions de vol, et il aurait été fort dommage de ne pas m’en souvenir, et d’autre part, j’étais toujours en formation, ce n’était jamais que mon deuxième vol en Swift qui du reste ne m’appartenait pas, j’étais toujours sous la responsabilité de mon instructeur, en l’occurrence Jacques, qui était en permanence en contact radio, et il était à mes yeux très important d’établir ou de consolider un lien de confiance entre Jacques et moi-même. Par conséquent, ces dernières décennies m’ayant gratifié d’un peu de plomb dans la cervelle, je m’en suis tenu scrupuleusement aux consignes de Jacques qu’il me donnait par la radio.

Jacques ne m’a pas proposé de partir tenter ma chance en direction du mont Ventoux, mais simplement de me diriger vers une montagne vers le sud en la nommant, en m’expliquant que je devrais facilement y trouver un thermique. Sauf que, étant un pilote essentiellement de plaine, la montagne, je n’y connais rien. Mis à part le site de vol libre de la montagne de Chabre, la montagne de Beaumont, Aspres et Saint Genis, les noms de toutes les autres montagnes dans le secteur m’étaient parfaitement inconnus. Alors Jacques m’a décrit patiemment les endroits qu’il visait, et nous avons fonctionné ainsi durant tout l’après-midi.

Les thermiques annoncés dans telle ou telle zone étaient au rendez-vous, du moins lorsque je me présentais au bon moment de leurs cycles. Plafond à plus de 3000 m QNH dans les barbules des nuages, c’était royal, c’était formidable !! Peu à peu, j’ai retrouvé des paysages aériens que j’avais découverts il y a plus d’une vingtaine d’années. Jacques m’a invité alors à poursuivre au-delà de la montagne de Chabre, mais sans aller jusqu’à la montagne de Lure. Demi-tour vers 15 heures au-dessus d’une montagne à mi-chemin entre Chabre et Lure, en survolant les gorges de la Méouge qui sont magnifiques. Quasiment aucun delta en l’air, si ce n’est un Atos VR sous les nuages, ils étaient peut-être déjà tous partis en circuit… Un autre grand avantage du vol en Swift est la protection thermique offerte par le pare-brise. A 3000 m en delta, collé sous les nuages avec mon aile, sans une triple épaisseur de vêtements et des gants de montagne épais et isolants, j’aurais été complètement gelé. A bord du Swift, j’étais vêtu simplement de vêtements légers, un peu plus chauds qu’au sol, avec une simple casquette sur la tête et mes lunettes habituelles de vision lointaine, et cela ne posait aucun problème. C’est un grand confort de pouvoir voler léger.

De retour en local de Aspres, Jacques m’a suggéré de poursuivre sur la lancée en allant jusqu’au col de la Croix Haute, mais pas au-delà. Très bien, au moins je savais où il était, le col était vers le nord et il me suffisait de suivre la route principale que je voyais en bas pour l’atteindre. Sauf que, lors de mon arrivée dimanche soir, il faisait nuit et il pleuvait, et je n’avais pas du tout percuté que la route en question, la RN75, passait à l’est de la montagne de Longeanne et non à l’ouest… Mais ça, je ne m’en suis rendu compte qu’après le vol. Pour l’heure, après un  nouveau plafond à 3000 m, il me suffisait de me laisser glisser en suivant la route d’en bas, qui menait justement vers un col, mais qui bizarrement se dirigeait plus vers le nord-ouest que vers le nord. Ne voyant pas d’autre route dans le secteur, dans l’incertitude, et en l’absence de carte sous la main, j’ai continué vers ce col en me disant qu’il devait être le bon. Pour la petite histoire, c’était le Col de Cabre, dont la route allait en direction de Luc-en Diois. Un nouveau plafond et de retour à Longeanne, dont les pompes étaient toujours atones. Il était environ 16 heures. Jacques était un peu surpris de m’entendre si tôt depuis nos derniers échanges. Il m’invita alors à aller au pic de Bure, super ! J’avais tellement entendu parler de cette montagne depuis si longtemps sans jamais y être allé et encore moins en l’ayant survolée, que l’occasion de le faire maintenant me paraissait géniale.

Cette belle montagne, je la voyais bien, elle était vers le nord-est de ma position. Sauf qu’elle était loin et que je ne pouvais pas l’atteindre en un coup de plume, il me fallait rebondir quelque part à mi-chemin. L’endroit idéal qui s’est présenté à ma vue était une montagne située au nord-nord-est de Longeanne, qui formait une sorte de creuset orienté vers l’ouest (la montagne Durbonas, selon les explications ultérieures de Jacques). Un petit plateau boisé et clairsemé de vaches formait le sommet, et les ravines en dessous étaient pleinement exposées au soleil… de quoi déclencher un méga ascenseur… A défaut d’ascenseur, j’ai été confronté à de nombreux petits thermiques qui n’étaient pas clairement établis, mais qui ne généraient pas moins tout un système de turbulences et de cisaillements verticaux dont la violence m’avait paru inouïe et m’a rappelé que cela faisait bien longtemps que je ne m’étais pas retrouvé dans une telle lessiveuse. Le cycle principal n’était pas encore mûr, cela tombait sous le sens. En attendant, je gravitais comme je pouvais au niveau du sommet tout en étant le plus proche possible du caillou, sachant que je n’avais que cet endroit pour refaire le plein d’altitude, ou sinon c’était le retour direct vers l’aérodrome. Au cours de cet épisode, qui a quand même duré un quart d’heure (mine de rien, c’est long), j’ai pris vraiment conscience des possibilités extraordinaires du PUL que je pilotais. D’une part, sa légèreté lui permettait de réagir rapidement aux mouvements verticaux extérieurs, puisque son inertie est beaucoup plus faible que celle d’un planeur classique, et d’autre part, son système de commandes trois axes m’a permis de garder ma vitesse et de contrôler ma trajectoire sans effort dans un environnement qui ne demandait qu’à m’éjecter ou à me fracasser contre le caillou si je m’en approchais trop près. Régulièrement, tout ce qui était mal attaché dans l’habitacle, y compris le pilote, volait au passage des cisaillements, mais je gardais quand même le contrôle de mon appareil. C’était très sécurisant, car c’est un point archi important ! En delta, j’aurais crié de terreur, je me serais ankylosé les épaules à trop vouloir me battre contre des éléments plus forts que moi, et finalement je me serais probablement enfui de ce manège infernal pour rester en vie (ce qui est quand même la priorité !). Pour les deltistes locaux, rodés aux aléas et aux caprices de la montagne, ce genre de situation épique et turbulée pouvait fort bien être monnaie courante, faire partie de leur environnement aérien familier. Mais pour un gars de la plaine qui redécouvrait le vol en montagne, l’accueil en ce lieu a été rude, et les leçons que j’en ai tirées ont été à la hauteur de l’évènement.

Enfin, la pompe que j’attendais vaillamment s’est présentée et m’a propulsé en quelques tours à 3200 m, à la base d’un gros nuage qui venait de se former. Le pic de Bure me tendait les bras. J’ai pu ainsi découvrir, par la face ouest dans une belle lumière d’après-midi (il était environ 16h30), son aspect très minéral, comme toutes les montagnes, et son curieux plateau d’où émergeaient une dizaine de paraboles de radiotélescopes disposés en T. Un peu de nonchalance pour admirer le paysage tout en remontant au plafond, puis, toujours sur proposition de Jacques, j’ai traversé la vallée au sud pour me diriger vers la montagne de Ceüse, pas compliquée à repérer puisqu’elle représente une sorte de cratère tout rond. Encore le plafond avant de la survoler vers 17 heures, et puis j’ai filé vers Saint Genis, en pensant à mon pilote remorqueur de la plaine, Michel Moussier, qui se régale en randonnant dans cette montagne quand il vient en vacances dans le coin.

Les thermiques s’amenuisant, les remontées étaient devenues plus lentes et moins généreuses, il était bientôt temps de retourner en local de l’aérodrome. Et surtout, il y avait un détail préoccupant que je n’avais pas du tout anticipé : le vol prolongé assis sur une sorte de hamac, qui est le siège du Swift adapté initialement aux décollages à pied, le hamac passant entre les jambes du pilote avant d’être tendu une fois en l’air, a fini par provoquer sur la partie haute de mon auguste postérieur une douleur aigue et lancinante dont j’ai pu faire abstraction pendant un certain temps. J’avais beau me contorsionner régulièrement pour tenter de soulager la douleur, rien n’y faisait, excepté naturellement de m’extraire de l’habitacle. Alors la perspective d’atterrir bientôt n’a pas été pour me déplaire. Après un dernier passage sur la Longeanne pour le plaisir de spiraler avec quelques deltas, perte d’altitude vers l’aérodrome. Le vent du sud s’étant levé (brises de vallée), Jacques m’avait réservé une approche inattendue et pour le moins surprenante. Le but était d’effectuer un atterrissage court sans se faire enterrer par le vent au-dessus de la cassure du petit vallon jouxtant le terrain au nord. Alors je lui ai fait entièrement confiance en exécutant à la lettre toutes ses indications, remettant à plus tard une éventuelle surchauffe émotionnelle provoquée par cet exercice impromptu à basse altitude : début de vent arrière à 150 m sol au-dessus des panneaux solaires, en affichant 80 km/h au badin. En arrivant au niveau du camping (80 m sol), virage de 20° par la droite pour me rapprocher de la piste. Volets à 20°, puis dernier virage par la droite au-dessus des arbres tout en gardant de la vitesse (55 km/h). Courte finale juste en entrée de piste, arrondi, contact avec le sol, et arrêt du planeur une centaine de mètres après l’entrée de piste (la piste fait 900 m de long). Eh ben, une sacrée fin de vol en beauté ! Il était 17h50.

Jacques, qui a l’habitude de filmer ses élèves juste après leurs premiers atterrissages en Swift alors qu’ils sont encore dedans, histoire de recueillir leurs premières impressions « à chaud » et de les poster sur le site de l’ADPUL, a accouru à ma rencontre, son smartphone à la main, tandis que je reprenais lentement mes esprits après cette approche exotique, bien que parfaitement orchestrée : https://youtu.be/UOPNKF5L2tY .

Comme on peut le constater, je suis resté sans voix, jusqu’à ce que Jacques donne l’impulsion. Un planeur fantastique, une journée exceptionnelle, un vol formidable, une approche audacieuse… tous les ingrédients pour graver dans le marbre de ma mémoire tous ces beaux souvenirs et pour faire de ce moment, celui juste après l’atterrissage où je savoure à peine ce que je viens de vivre, un moment truculent à filmer. Le terme de « petite balade » m’est venu spontanément, au regard des conditions sensationnelles de la journée, des performances du planeur, et de la durée de mon vol. Cela dit, après analyse ultérieure de la trace GPS, j’ai quand même parcouru un triangle de 114 km : Crête de l’Ane (au sud des gorges de la Méouge), Col de Cabre (au nord-ouest d’Aspres), Pic de Bure, Saint Genis. Jacques m’a félicité pour ce vol, d’autant plus qu’avec une durée de près de six heures en l’air, j’ai battu le record du vol de durée des élèves de l’ADPUL ! De mon côté, je ne pouvais que le remercier vivement (de m’avoir prêté son planeur, de m’avoir offert la possibilité de voler tout l’après-midi et de m’avoir guidé en radio si admirablement). Je lui ai aussi glissé que j’avais très mal aux fesses, mais ça, Jacques l’a coupé de la séquence postée sur la toile, car pour la communication, ce n’est pas une bonne pub ! Il m’a expliqué que c’est une affaire de morphologie (certes, ma cambrure naturelle n’arrange rien), mais qu’on peut régler le problème avec un bon coussin, et d’ailleurs il me prêtera le sien à l’occasion d’un prochain long vol !

Au cours du stage, Jacques nous a rappelé régulièrement un aspect important du comportement du Swift, qui relève de la mécanique du vol, dont le pilote non expérimenté n’a pas toujours conscience, et qui peut le conduire à des mauvaises surprises voire à un accident selon les circonstances. L’aile du Swift étant en flèche, lorsque le pilote tire sur le manche, les élevons se lèvent et entraînent une diminution voire une destruction de la portance vers les deux extrémités de l’aile.

Pour ma part, ayant bien compris et intégré la grande sensibilité du Swift en tangage, toutes mes actions sur le manche dans cette direction étaient naturellement douces, par petites touches, finalement comme dans un planeur classique. Lorsque je bataillais à Durbonas, même si la plupart de mes virages étaient à grande inclinaison, donc en maintenant le manche tiré pour maintenir l’assiette du planeur à l’horizontale, ma vitesse était suffisamment élevée pour contrôler ma trajectoire.

Une demi-heure après mon atterrissage, Pascal et Patrick sont revenus de leur circuit, un magnifique triangle FAI de 270 km en 5h15, avec pour points de virage le Mont Ventoux, le lac de Sainte Croix, une montagne au nord-ouest du lac de Serre Ponçon près du Piolit (l’Arche) : https://delta.ffvl.fr/cfd/liste/vol/20291679 . Chapeau !! Eux aussi méritaient d’avoir la banane jusqu’aux oreilles et d’être félicités par tout le monde ! Une fois les Swift repliés dans leur remorque respective, nous nous sommes réunis le soir au restaurant du camping gîte de la Jument Noire à La Batie Montsaléon. Un beau moment de convivialité pour terminer superbement cette belle journée.

Photos du jour : https://photos.app.goo.gl/2tNh7p6WksuRwn97A

Jeudi 20 août

Le travail matinal a repris de bonne heure. Tours de piste pour Georges et moi-même, en se larguant seulement à 250 m sol, et lâcher pour René-Pierre. Le matin, il n’y a pas de vent, alors les approches s’effectuent à main gauche en atterrissant sur la piste 36 (plein nord). Les tours de piste ne signifient pas seulement exécuter des PTL correctement, mais on doit aussi gérer notre trajectoire pour que le planeur s’arrête à un point prédéfini, en général le coin de la croisée des pistes vers le starter. L’enchaînement des actions en vol et les moments de leur exécution pour réaliser ces objectifs ne s’improvisent pas, il faut tout mémoriser pour bien intégrer la portée de telle action à tel moment. La finalité de ces exercices est d’entraîner le pilote à s’arrêter là où il l’a décidé, notamment en cas d’atterrissage hors terrain. Bien que nos instructeurs nous aient accordé une marge de tolérance sur le point d’arrêt, pour ma part, j’ai quand même eu droit de m’y reprendre à trois tentatives avant d’être autorisé à passer à l’étape suivante. En fin de matinée, nous avons testé l’approche à 200 m en entrée de piste avec un plan de descente très fort, en sortant à fond les aérofreins et en appuyant à fond et en même temps sur les palonniers pour ouvrir les dérives en grand. Le Swift descendait comme un pavé sans accroître sa vitesse, et comme prévu, il s’est arrêté dans le premier tiers de la piste, étonnant !

Photos du jour : https://photos.app.goo.gl/ZMSH5j7JfSMTdeNTA

Vendredi 21 août

Le matin, nous avons attaqué les PTU, Georges dans le Swift de Jacques, et moi dans celui de Pascal. C’était encore un autre style d’approche, où il fallait éviter les virages « en coin de bar », comme disait Jacques, mais au contraire, amorcer et maintenir un grand virage tout en gardant la bonne vitesse et tout en sortant les volets et en gérant les aérofreins sans perturbation de la trajectoire… Et toujours en s’arrêtant en un point prédéfini ! Un exercice de style, difficile à accomplir pour les élèves, mais qu’il convient d’avoir travaillé pour consolider la formation au pilotage du planeur. Au bout de quatre essais, dont le premier radio guidé pour la prise des repères, Jacques et Pascal ont considéré que je pouvais passer à l’étape suivante, ouf ! …

L’après-midi, la météo prévoyait un ciel tout bleu, pas de quoi remettre le couvert par rapport à mercredi. Georges devait à nouveau s’occuper de ses petits enfants, et Pascal devait partir vers midi. Une fois son Swift rangé dans sa remorque, Jacques est venu à nouveau me proposer de voler dans le sien. Bien qu’étant un peu fatigué (à force de me lever tous les jours trop tôt !), j’étais venu pour voler, notamment en Swift, et pour dire « oui » à toutes les bonnes opportunités qui pouvaient se présenter dans ce sens. Très honoré par la proposition de Jacques, je l’ai acceptée avec grand plaisir (avec le coussin). Jacques m’a toutefois rappelé que mon vol de durée ayant déjà été réalisé, le vol de cet après-midi était hors formation, et qu’il me coûterait donc cent euros avec accompagnement par la radio. Pas de problème ! Il y a des moments où il faut se donner les moyens de ce qu’on veut, et ce moment est arrivé maintenant. Je peux dire également qu’à partir de ce vendredi midi, plusieurs petites bifurcations se sont présentées, avec un chemin « oui », et l’autre « non ». Si je disais « oui », on continuait, sans vraiment savoir jusqu’où cela me mènerait, et si je disais « non », on se serait arrêté là. Comme j’étais venu pour dire « oui », alors j’y suis allé avec grand enthousiasme.

Décollage vers 13h15, premier thermique suffisamment puissant pour me monter à 2600 m QNH une heure plus tard. Le vent du sud s’était levé, autour de 25 km/h en altitude. Premier objectif du vol, le pic de Bure. Sans passer par Durbonas, j’ai déjà donné. Les petites montagnes juste à l’est-nord-est de Longeanne, à mi-chemin vers le pic de Bure, ont été fort convenables pour déclencher à mon arrivée dans le secteur un thermique qui m’a monté à 2700 m QNH. La partie sud-est du pic de Bure ne donnait rien, ni la face ouest, alors je me suis rabattu vers la face sud-est pour enrouler tout ce que je trouvais, et qui, peu à peu, en migrant à nouveau vers la face sud, a fini par m’élever à plus de 3000 m QNH, soit 500 m au-dessus du plateau du pic. C’était génial, le paysage était splendide, et Jacques fut surpris de constater que cela montait si bien. En chemin, j’ai dû servir de balise à plusieurs planeurs qui ont rappliqué. Parmi eux, il y avait un Stemme. A ma connaissance, ce genre de planeur n’est pas très répandu, et c’était peut-être celui de Klaus Ohlmann, vélivole allemand vivant de sa passion en France, et bien connu pour ses records en planeur d’altitude (au-dessus de l’Everest en 2014), et de distance (3000 km en vol d’onde dans les Andes en 2003). Poursuite de mon vol, en accélérant la vitesse de transition par rapport à l’avant-veille, vers le sud via Ceüse, jusqu’à la montagne d’Aujour, où les thermiques étaient passablement turbulents (apparemment cette montagne est bien connue pour les « pétards » qu’elle déclenche). Comme cela montait bien dans le secteur (2600 m QNH max), Jacques m’a proposé un aller-retour jusqu’à la Durance, sans la dépasser, pour revenir ensuite vers l’ouest en longeant les crêtes de la montagne d’Aujour, puis en traversant au Nord de Savournon jusqu’à la montagne d’Arambre à l’est de Serres (dont il faut se méfier à basse altitude, mais aux abords de laquelle j’ai pu enrouler le meilleur thermique de la journée, jusqu’à 5 m/s intégré sur plusieurs tours, super !), et enfin en enchaînant toutes les crêtes qui s’alignaient tout droit à l’ouest de Serres, jusqu’au village de Rosans (c’est-à-dire, le rocher de Jardanne, la montagne de Chauvet, la montagne de Maraysse, la montagne de l’Archier et la montagne de Raton d’après la carte consultée ultérieurement). Sauf que Rosans, je ne savais pas où c’était, alors dans le doute, j’ai continué tout droit, jusqu’à ce qu’un décrochement dans l’alignement des crêtes se présente, et comme il y avait un village au sud à cet endroit, j’ai pensé qu’il devait être celui visé, et ce fut le bon. Jacques m’avait suggéré de faire cette traversée soit en rasant les crêtes (avec le vent du sud qu’il y avait, c’était possible), soit en enroulant les thermiques. En tant que pilote de plaine, j’aime bien enrouler les thermiques, surtout qu’en haut on peut admirer le paysage, et je ne me suis pas privé de m’en mettre plein les mirettes. L’inconvénient est que la vitesse de croisière en prend un coup, mais ce n’était pas grave, l’heure était à la contemplation du paysage, au plaisir de piloter le Swift, et au bonheur d’être là où j’étais pour en profiter. Une dernière pompe peu après avoir fait demi-tour, toujours jusqu’à 2600 m QNH, et retour direct à Longeanne. Il était environ 17h30. Jacques m’informa qu’il était attendu le soir et il m’a demandé d’atterrir dans pas longtemps. Ok ! Réglage de volets à 40°, et le planeur chutait jusqu’à 8 m/s à 75 km/h, impressionnant, mais il ne faut surtout pas atterrir ainsi, sinon on rentre le train au contact du sol. Avec le vent du sud, scénario d’approche sur la piste 18 identique à celui de mercredi, la manœuvre devenait une habitude. Mon vol a duré 4h20, et j’ai parcouru un triangle de 112 km (pic de Bure, Monêtier-Allemont, 5 km au NNO de Rosans). Aux anges, j’ai retrouvé Jacques qui m’invita à replier le Swift rapidement

Photos du jour : https://photos.app.goo.gl/j4e8EfCWgeDEXThj8

Seconde bifurcation de la journée, Jacques m’a invité à le rejoindre chez lui à Serres pour prendre l’apéro. Volontiers ! C’est ainsi que je me suis retrouvé à déguster le pastis entre Jacques et Pascal. Louis, qui était parti se baigner dans le torrent avec les deltistes de l’Aquitaine, nous a rejoint plus tard. Manifestement, j’avais la cote ! A côté de ces géants du vol libre, l’humilité était de circonstance, car d’une part, j’avais bien compris que mes pauvres histoires de vol libre étaient dérisoires par rapport aux leurs et à toutes les aventures de vol libre qu’ils ont vécues sur la planète depuis quarante ans, et d’autre part, j’ai tout à apprendre sur le vol en montagne, ce qui n’est pas rien. Enfin, chacun a sa propre histoire.

Samedi 22 août

C’était le jour des PTS, la fin de la formation approchait. Comme Georges habite dans la région, s’il devait encore peaufiner l’exercice au-delà du samedi, il pouvait terminer sa formation la semaine suivante, à l’occasion d’une seconde semaine de formation au pilotage du Swift, lorsque Louis serait revenu pour remorquer. Donc la priorité m’a été donnée pour terminer ma formation ce samedi matin.

Une PTS consiste à enchaîner des virages en lacet en suivant la surface d’un cône inversé dont le sommet se situe sur le point d’aboutissement de la finale. C’est très souvent le style d’approche que j’utilise pour atterrir en delta, avec l’avantage qu’en général les champs sont suffisamment grands pour me poser là où mon aile veut bien s’arrêter ! Sauf qu’aujourd’hui, la consigne était de se poser court (sur la piste 18). Donc il fallait gérer la distance au seuil de la piste en fonction de l’altitude du planeur, sans trop augmenter la pente de descente en se rapprochant, ni trop la diminuer en s’éloignant. Premier essai pour Georges et moi-même entièrement radio guidé pour prendre nos repères. Pour mes deux essais suivants, je devais me débrouiller sans assistance.

Afin de mieux matérialiser le point d’aboutissement que Jacques avait fixé à quelques mètres seulement juste après le grillage bordant la piste, Jacques a eu l’idée de se placer debout à cet endroit en me demandant de lui foncer dessus pendant ma courte finale. Lorsque j’en étais arrivé à ce moment, je me suis donc concentré sur le bonhomme que je voyais droit devant, qui s’est quand même effacé juste avant mon passage, avant de finir mon atterrissage sur quelques dizaines de mètres. Louis a filmé l’un des deux essais : https://youtu.be/S2iuTqZf3r0 . La vidéo a été commentée par Jacques dans un email envoyé une semaine plus tard : « Faites un arrêt sur image lorsqu’il me passe au-dessus. Voilà un élève qui respecte bien les consignes du moniteur. Je lui avais dit “tu me fonces dessus au point que je sois obligé de me baisser”… ».

A l’issue de cette opération réussie, j’ai été déclaré apte à recevoir le brevet de pilote de PUL multiaxe, qui sera validé une semaine plus tard par le conseiller technique national de la FFVL pour le delta (Emmanuel Felix-Faure), à défaut du RRE de la ligue PACA qui était indisponible.

Tout compte fait, ce qui m’arrivait était tout simplement génial. Les portes sont grandes ouvertes vers de nouveaux super vols dans un nouvel environnement que j’ai hâte de découvrir.

Share