5625m en onde!

Beau début de saison pour Jacques en Swiftlight, le 20 Avril, pour ce qui est probablement le record d’altitude en vol libre en Europe, voici son récit:

Décollage 11:05, pour mon premier vol de cross country de la saison, remorqué par un pilote faisant son premier remorquage de PUL, supervisé par Pascal en place droite de l’Ikarus C42 (ULM 3 axes). 10-15km/h de vent du NNW, une masse d’air sèche, froide et instable, très turbulente: rupture du fusible en milieu de vallée, mais j’arrive à enrouler un thermique qui me monte suffisamment pour me permettre de rejoindre le flanc de la crête à l’ouest, qui va de l’Aiguille de Serres au col de Cabres, mais qui ne donne pas bien, le vent étant parallèle à la pente. Je me mets en attente du Swiftlight de Pascal qui doit changer de “monture”… il subit une 1ère rupture de fusible en bout de piste… nous avons démarré trop tard, le soleil et le vent ont mis la masse d’air instable en ébullition… 2ème tentative, 2ème rupture de fusible… de quoi abandonner, mais c’est mal connaître Pascal qui persévère, et la 3ème tentative est la bonne. Mais tout cela a pris une heure, et je commence à en avoir assez de me faire secouer par les turbulences de cet air glacial… nous partons sur Aujour, où les thermiques toujours aussi turbulents nous montent suffisamment pour nous lancer dans la traversée de la vallée de la Durance, mais là haut il fait encore plus froid, j’ai envie de rentrer me poser à Aspres… pendant le glide je change mon bob pour une cagoule de ski et j’enfile mes sous gants, puis mes gants… la Malaup nous donne le premier bon thermique, +5, et enfin rond! Et au dessus de 2300, la masse d’air est enfin plus calme 🙂 ! Allez on continue vers le sud.

Contre toute attente, Jouère ne donne rien, Auribeau non plus, heureusement un planeur nous matérialise un bon thermique sur Authon où nous montons suffisamment pour prendre plein est vers le Blaieul où l’on observe les premières barbules très haut dans le ciel. En route on partage un généreux et large +3 +4 avec une ribambelle de planeurs, ensuite, on complète le plein au Blaieul et on continue plein Est vers les 3 Evêchés.

Là, je décide de ne pas continuer vers le sud car il nous faut rentrer tôt à Aspres en raison des prévisions météo qui annoncent toutes un fort vent de nord à Aspres après 17h. Nous mettons cap au nord en suivant la Blanche: notre plan est de traverser les vallées de l’Ubaye et de la Durance, et de voler dans le sud et l’Ouest du massif de l’Oisan qui génèrent de beaux cumulus à bases estimées aux environs de 4000m, et de remonter le vent du Nord qui y est moins fort que plus à l’ouest. Comme il n’y avait pas l’ombre du moindre cumulus sur le Morgon, nous assurons un confortable 3800 sur Saint Jean Monclar qui devrait nous permettre de planer d’une traite jusqu’au Guillaume malgré le vent de face.

Nous survolons le fort de Dormillouse avec 20km/h de face et nous nous engageons au cap NNE dans la traversée de la vallée, où, contre toute attente, le glide reste très bon; et de mieux en mieux; au point que le vario finit par biper, dans de l’air absolument lisse; je réduis la vitesse pour en profiter au maximum; ça donne de mieux en mieux, et lorsque j’ai +1 constant, je décide de faire une branche d’exploration 90° à droite… assez rapidement le vario diminue, je fais demi-tour et m’applique à revenir en suivant la même ligne sur la carte du GPS; le vario revient à 1m/s, et continue d’augmenter jusqu’à 1,6m/s, je poursuis à l’opposé, et là ça dure plus longtemps jusqu’à ce qu’il n’accuse une baisse, moment où je décide de revenir; lors du virage je surveille la composante vent de face indiquée par le Compéo: elle passe par un maximum de 35km/h; une fois installé sur l’axe j’ai 30 à 40° de dérive.
On est dans l’onde, l’onde de ressaut du vent de NE, qui canalisé par la vallée de la Durance entre Mont Dauphin et Embrun, vient “percuter” le flanc NNE de la crête du Morgon. Passant 4000m je mets l’oxygène sur ON, et je continue mes aller-retours sur axe en veillant à ne pas m’en écarter sous l’influence du vent qui se renforce au fur et à mesure que je prends de l’altitude. Pascal, qui avait oublié d’ouvrir le robinet de sa bouteille d’oxygène avant le décollage, décide de renoncer en passant 4100, trop dommage, mais sage décision.

Vers 5200, lors d’un virage à droite, cherchant à prendre le bon cap pour maintenir l’axe, je vois mon GPS afficher des routes suivies bizarroïdes: S, puis SE, “M…. mon GPS me lâche alors que j’en ai le plus besoin!” est ma première pensée, mais en vérifiant les indications du Compéo, je réalise qu’il donne la même route suivie! “P….. je vole en marche arrière!” je n’ai pas affiché un angle de dérive assez fort, alors je tourne le nez du Swiftlight vers la gauche, la vitesse sol est de 20km/h, mais la route suivie à l’WSW! J’ai trop tourné! J’inverse le virage, virage très lent, surveillant la composante de vent de face pour déterminer au mieux sa direction… je lis au plus fort -85km/h “Waouh!” je décide d’accélérer, vent plein de face, rentrant les volets à 0°: ma vitesse sol diminue, 20km/, 15km/h, je continue d’accélérer, elle continue de diminuer, puis enfin augmente à nouveau! Soulagement, je revole en marche avant  🙂

Petit à petit je recouvre la distance perdue, et cela fait, je peux réduire un peu la vitesse et reprendre la montée. A 5400 je sors mon iPhone de ma poche pour prendre des photos de mon Compéo, pour commencer, mais à la 2ème il s’éteint, ses batteries ne supportant pas le froid, d’ailleurs mes pieds à l’ombre des ailes commencent aussi à geler…

A 5600m je ne résiste plus au froid et décide de rentrer sur Aspres, ce que je devrais pouvoir réaliser en un seul plané, partant d’une telle altitude. C’était amusant de glider à 90-100 avec 60 à 70° de dérive. Après avoir survolé Gap, aux environs de 4000, je retrouve la masse d’air froide et convective, mais le vent baisse radicalement, ce qui me permet de prendre un cap WNW et ainsi de mettre enfin mes pieds au soleil, qui en ont grand besoin 🙂 . Traversant 2500, au nord d’Aspres, je retrouve la tranche d’air hyper turbulente. Je consomme mon excédent d’altitude en tournant le col de Cabres, traversant de puissants et étroits thermiques que je fuis, pressé de revenir à Aspres, où j’atterris dans un vent rafaleux de 40km/h de NNW, un quart d’heure après Pascal.

Quel vol!  🙂 

Pour refaire le vol en 3D, cliquer sur l’image:

Notes:

La vitesse du vent, 85Km/h à 5400m, peut paraître dangereuse, mais, à 90km/h de vitesse indiquée qui est la vitesse usuelle du Swiftlight en vol plané, sa vitesse propre est de 117km/h; et sa vitesse maxi (Vne) 120Km/h donne 156Km/h. Donc une marge confortable surtout que là haut on est entièrement dégagé du relief et les masse d’air générant l’onde sont stable, donc sans turbulences.

Le danger est dans les rotors en sous ondulatoire, mais il sont plus bas, et le vent y est moins fort.

 

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